Parler ouvertement

J’ai vécu avec l’épilepsie réfractaire jusqu’à l’âge de 14 ans. J’ai subi une chirurgie, il y a maintenant 9 ans et je n’ai pas fait d’autres crises depuis. Avant la chirurgie, je pouvais faire de 3 à 5 crises par jour. Malgré les séquelles et les difficultés auxquelles je fais face encore aujourd’hui, j’ai choisi de continuer d’avancer et de croire en mes rêves, même ceux que l’on disait impossibles ou inaccessibles pour moi. S’il y a une chose que j’ai apprise à travers les dernières années, c’est que tout est possible si l’on y croit.
Étudiante en pharmacologie dans le but de faire de la recherche en épilepsie, j’affronte chaque jour plusieurs défis au niveau académique. C’est pourquoi je suis convaincue que la recherche me donnera les outils nécessaires pour éviter à autrui de vivre les mêmes épreuves que celles que j’ai traversées, notamment en contribuant à l’élaboration de nouveaux traitements.

Bien que l’épilepsie soit l’une des rares maladies où la stigmatisation et la discrimination peuvent être plus accaparante que la maladie elle-même, elle est toutefois encore très méconnue pour beaucoup de gens. En effet, lorsque j’annonce à des gens que je suis épileptique, ceux-ci font souvent une association directe avec les termes « convulsions au sol » et « clignotements de lumières ». Il est important de savoir qu’il existe plusieurs types de crises et les symptômes varient d’une personne à l’autre.
Certains croient que l’épilepsie, c’est seulement faire une crise et qu’après celle-ci, tout redevient normal. D’autres ne peuvent imaginer qu’il s’agit d’une maladie qui impose beaucoup de conditions à respecter afin de minimiser le risque d’avoir des épisodes. Plusieurs ne savent pas à quel point la maladie peut aussi avoir un gros impact dans la vie des proches de la personne qui en est atteinte. Nombreux sont ceux qui ignorent que le tiers des personnes atteintes ont une épilepsie réfractaire qui ne répond pas aux médicaments.
Un bon moyen de sensibilisation à l’épilepsie est d’en parler!
Je vous présente les réponses à plusieurs questions fréquentes que l’on me pose:
Est-ce que si tu fais une crise, tu vas tomber?
Non, car je faisais des absences, un type de crise généralisée caractérisé par de brèves périodes d’inattention et de non-réceptivité.
Quels sont les déclencheurs de crises dans ton cas?
Le stress, la fatigue, l’alimentation à des heures irrégulières, ainsi que toute cause d’augmentation de température corporelle, telle qu’une canicule, une fièvre et une séance d’activité physique étaient des déclencheurs de crise pour moi et sont encore à ce jour, des éléments auxquels je dois faire attention.
Quelles sont les séquelles possibles après une crise?
Après avoir fait une crise, j’étais épuisée et j’avais besoin de dormir. Après plus d’une crise par jour, j’étais très épuisée pour le reste de la journée, ce qui faisait en sorte que je prenais du retard dans mes travaux d’école. Des pertes de mémoires étaient liées aux crises aussi. Donc contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent penser, après une crise, ce n’est pas si simple de poursuivre nos tâches normalement. Cela demande beaucoup de repos.
Peu de gens sont au courant des effets secondaires possibles liés à la médication. Quels sont-ils?
La fatigue, la prise de poids et un ralentissement lors de l’exécution d’une tâche sont les effets secondaires qui impactent ma vie chaque jour. En effet, dans le cadre de traitements médicamenteux antérieurs, j’ai connu d’autres effets secondaires, notamment une altération du goût, rendant les aliments difficilement supportables au goût. Certains peuvent faire face à des maux de têtes, une dépression, des idées suicidaires et plusieurs autres.
Y a-t-il des éléments qui t’ont motivé à ne pas abandonner tes objectifs que tu appliques encore aujourd’hui ?
Oui, depuis maintenant 7 ans, la course est mon remède anti-stress et me permet de lutter contre un des effets secondaires de la médication, soit la prise de poids. Bien entendu, je dois m’assurer de ne pas faire de la course lorsqu’il fait très chaud. J’ai aussi changé mon vocabulaire pour un vocabulaire plus positif, car je me suis rabattue sur mon cas pendant longtemps, et ce, même après la chirurgie. Selon moi, tout ce qu’il m’arrivait était la faute de la maladie et je devais corriger cette mauvaise habitude.
L’épilepsie t’empêche-t-elle de faire certaines choses encore aujourd’hui?
Oui, mais très peu. Même si cela fait maintenant 9 ans que je n’ai pas fait de crises, j’ai encore des auras, c’est-à-dire des sensations que j’avais avant mes crises, et chaque fois que j’en ai, cela m’épuise encore comme avant. S’il m’arrive d’avoir plusieurs auras qui m’ont affaibli pendant la journée, je vais refuser de conduire et plutôt contacter un proche. Aussi, en raison des auras, il peut m’arriver de ne pas être en mesure de terminer des travaux, car je suis trop fatiguée en arrivant chez moi et je dois dormir très tôt. J’essaie donc d’effectuer mes travaux en avance afin de ne pas être mal prise si cela arrive la veille d’une remise de travail.
Ayant été atteinte de l’épilepsie pendant plusieurs années, parler ouvertement de l’épilepsie afin de briser les tabous concernant cette maladie neurologique ne me fait plus peur. Il y a quelques années, je parlais très peu de la maladie par peur d’être jugée ou intimidée.
Actuellement, lorsque l’occasion se présente, je suis invité à donner des conférences dans le but d’encourager les élèves du secondaire à persévérer face aux défis qu’ils rencontrent. Je partage mon expérience personnelle, en mettant en lumière mon principal obstacle, à savoir l’épilepsie, pour illustrer l’importance de ne pas abandonner.
L’important est de croire en soi, et ce, peu importe ce que les autres diront, même les personnes les plus proches.
Un article, par Ariane Kek-Laflamme
